"Les oreilles sentent, les yeux sont vrais."
Proverbe mongol.
Dimanche 21 juin, c’est la fête de la musique.
Levé 9h00, personne ne s’est réveillé ce matin. Des sangliers sont venu renifler les tentes pendant la nuit.
Normalement aujourd’hui nous devrions soit trouver le lac de Lagva (si il se trouve sur notre route), soit rejoindre des ruines d‘un temple oublié. Ca sera le point le plus éloigné de notre périple. Ici la région est très sauvage et hormis les sentiers des animaux et des chasseurs, il n’y a aucune habitation jusqu’à la frontière russo-mongole.
Le ciel est bleu et le soleil réchauffe la matinée. Pendant que les éleveurs chargent les chevaux j’en profite pour continuer ma nuit. Nous démarrons vers 11h30.
Nous avançons toujours dans un bourbier humide en direction cette fois-ci d’une montagne enneigée. Nous montons encore en altitude et la température s’abaisse progressivement mais rien comparé à ce que nous avons subit ces derniers jours.
Vers 15h00 nous nous arrêtons pour manger, nous entrons progressivement dans une forêt ancienne. J’ai l’impression que les arbres viennent tous ici pour mourir. C’est un vrai cimetière de béhémots de bois, nous sommes impressionné. Tous sont couché avec leur souche renversé, comme si ils avaient pu se déplacer avec leur racine et la terre puis se laisser tomber. Certaines souches font la taille d’une grosse voiture.
Le vent fait craquer les branches et nous nous croyons au beau milieu de la forêt des Ents. L’ambiance est impressionnante. Le chemin (si l’on peut appeler ça un chemin) est difficile, il faut passer à travers des branches qui se cassent sur notre passage. Cela fait peur aux chevaux par moment. Osro a lâcher l’un de ces bâts car il devenait trop capricieux. Nous l’avons appelé canne à pêche car il porte sur son dos l’outil pour pêcher J Il est marrant ce cheval car il a un comportement bien à lui, très caractériel.
En fin de journée nous arrivons dans une clairière mais un bruit plus fort que les autres fait peur aux chevaux de Lagva ce qui effraie celui de Tunga et elle tombe à terre. Elle a voulu amortir sa chute avec son poignet mais celui-ci c’est tordu. Elle souffre et Osro lui fait un massage puis lui remet le poignet en place avec des gestes et des pressions bien précises. Les éleveurs ont l’habitude de ces petits bobos et il leur arrive fréquemment de remettre une articulation en place lorsque qu’un cheval se déboite une jambe.
Nous lui donnons des dolipranes et de la crème d’arnica.
Finalement nous décidons de poser le campement ici, de laisser les chevaux de bâts et de continuer plus haut pour trouver les ruines.
Nous grimpons au sommet enneigé, heureusement pour nous, le ciel est bleu, il est 18h00.
Après quelques minutes à tourner en rond, Lagva qui était partit en éclaireur nous appel, il a trouvé le temple !
Instant magique et récompense de notre périple. Nous trouvons d’abord les ruines d’une poterie qui servait à confectionner des petites stupas pour décorer le toit et les murs du temple. Il y a des inscriptions en tibétains dessus.
Un peu plus loin nous tombons sur les ruines.
C’est le monastère de Saridiin Khiid (qui veut dire temple du sommet) bâtit au 18ème siècle pour le moine Zanabazar.
Nous sommes en plein cœur de l’histoire mongole encore une fois. Zanabazar fut le premier chef religieux bouddhiste de Mongolie.
Parti au Tibet à l'âge de quinze ans pour y recevoir les enseignements du panchen lama et du dalaï lama, Zanabazar revint au pays quelques années plus tard. La religion tibétaine connut dès lors en Mongolie un essor remarquable, soutenu principalement par les Mandchous (peuplade chinoise) qui espéraient attendrir la furie des animistes mongols en les soumettant par le biais du bouddhisme tibétain.
Zanabazar, ses disciples ainsi que les nobles mongoles et les mandchous furent chassé un temps par Galdan Boshigt, le chef des mongols de l’ouest. Galdan avait lui aussi étudié à Lhassa mais n’a jamais voulu soumettre son peuple au bouddhisme car il savait que c’était un prétexte pour les mandchous d’avoir la main mise sur eux. Je résume un peu mais Galdan chassa Zanabazar et celui-ci se réfugia à Pékin. Lorsque Galdan et ses troupes arrivèrent au monastère Saridiin Khiid, ils ne trouvèrent personne et par respect, le laissèrent intact.
Plus tard l’empereur mandchous Kangxi força Zanabazar et les nobles mongols à signer la convention de Dolon Noor ce qui soumit complètement la Mongolie-intérieur au pouvoir mandchou. C’est pour les mongols, un point noir dans leur histoire. Une trahison qui fit que du jour au lendemain, toute une partie de la Mongolie est devenu territoire chinois. Encore aujourd’hui il y a 5 millions de mongols qui vivent en Mongolie-intérieur contre un peu plus de 2 millions en Mongolie et ils sont interdit de retour dans leur pays…
Bien des années plus tard, l’influence soviétique n’arriva pas jusqu’à ce temple car trop éloigné des habitants. Le monastère s’est écroulé par manque d’entretien tout simplement et c’est une terre encore presque vierge du passage de l’homme que Battsogt et Lagva nous font découvrir.
La province du Khentii est étroitement lié à l’histoire et aux légendes de la Mongolie. C’est ici que Chinggis Khan est né et c’est ici que d’après certains mythes, il fut enterré… C’est aussi dans le Khentii que «?L’Histoire secrète des Mongols?» fut écrite, pendant le règne d’Ögedeï.
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Après cette épopée « tolkienesque », nous redescendons à la clairière en croisant une jolie gerboise puis pendant que nous montons les tentes, Lagva essaye de nous faire peur en nous disant qu’il y a des élans et des ours dans le coin.
Nous mangeons autour d’un grand feu et nous endormons paisiblement.
Galerie : Dimanche 21 juin.
Alix & Benjamin.
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